PROCES POUR MEUTRE

« Je ne veux pas te voir. Je te l’ai dit 15 fois. » Romane Bonnier était excédée. Son ex-copain, François Pelletier, l’inondait de messages depuis leur rupture. Un mois plus tard, elle était assassinée en pleine rue. Des centaines de textos présentés au jury exposent le harcèlement subi par la victime.

La Couronne a conclu sa preuve mardi dernier au procès de François Pelletier, accusé du meurtre au premier degré de Romane Bonnier. Le juge a alors annoncé au jury que l’accusé avait l’intention de témoigner pour sa défense. « M. Pelletier a besoin de quelques jours pour se préparer », a indiqué le juge. Sa défense s’amorcera mardi.

Selon la thèse de la Couronne, François Pelletier a poignardé son ex-copine à une quinzaine de reprises, le 19 octobre 2021. Un meurtre commis en fin d’après-midi devant de nombreux témoins, au centre-ville de Montréal. L’homme de 39 ans était en « colère » depuis leur rupture, avance la Couronne.

Une vidéo présentée au jury montre le meurtre de Romane Bonnier. Une scène extrêmement brutale. On y voit l’assaillant surprendre la victime par-derrière, après l’avoir suivie sur une distance de plusieurs rues, et lui asséner des coups de couteau extrêmement rapides.

 Sur cette vidéo prise quelques minutes avant le meurtre, on peut voir Romane Bonnier (cercle foncé) rue City Councillors, près de la rue Sherbrooke. Elle est suivie depuis plusieurs rues par son futur assaillant (cercle rouge).
Sur cette vidéo prise quelques minutes avant le meurtre, on peut voir Romane Bonnier (cercle foncé) rue City Councillors, près de la rue Sherbrooke. Elle est suivie depuis plusieurs rues par son futur assaillant (cercle rouge).

Sur cette vidéo prise quelques minutes avant le meurtre, on peut voir Romane Bonnier (cercle foncé) rue City Councillors, près de la rue Sherbrooke. Elle est suivie depuis plusieurs rues par son futur assaillant (cercle rouge).

François Pelletier a été le colocataire de Romane Bonnier de mai à août 2021. Près de 150 pages de messages textes entre l’accusé et la victime – la plupart en anglais – permettent de plonger dans les hauts et les bas de cette relation qualifiée de « très brève, mais intense » par la Couronne.

De troublants textos

« Bonjour Romane ! Je t’écris concernant l’annonce sur Kijiji. Je cherche un endroit pour moi et mon petit chat Timothé qui a 6 mois. »

François Pelletier est accusé d’avoir tué son ex-copine Romane Bonnier.

C’est ainsi que François Pelletier se présente, le 21 mai 2021, dans l’espoir de devenir le colocataire de Romane Bonnier.

Très vite, les deux colocataires commencent à se fréquenter. En juillet, ils multiplient les déclarations d’amour. « Tu ne sais pas à quel point je t’aime Romane », lui dit François Pelletier.

Déjà, leur relation semble en montagnes russes. « Si ça ne fonctionne pas après cette fin de semaine… je vais partir. J’espère qu’on pourra rester amis », écrit François Pelletier, le 24 juillet.

Dans leurs messages de réconciliation, les deux amoureux évoquent leur relation de « Twin Flames » [Flammes jumelles].

Ça s’envenime au mois d’août, quand Romane Bonnier lui dit avoir « besoin de temps ». Elle confie se sentir « prise au piège », car elle habite avec lui.

« Parfois tu m’aimes, parfois tu me détestes, c’est de là que vient la toxicité. Je passe à travers, car JE T’AIME. Ainsi, nous avons une relation toxique », lui écrit François Pelletier, le 6 août.

Romane Bonnier commence à en avoir marre : « Arrête de pourrir ma journée », lance-t-elle.

Leur relation s’améliore à la mi-août, jusqu’à ce que Romane Bonnier rompe avec lui, le 3 septembre. Comme l’accusé ne lui répond pas, elle s’inquiète qu’il puisse avoir mis fin à ses jours.

« Tu es vraiment une king conne honnêtement. T’as vraiment un esti de tabarnak de gros problème », finit-il par répondre.

« Je me sens emprisonnée »

En septembre, François Pelletier multiple les messages-fleuves de plus de mille mots. Dans l’un d’eux, il énumère tous les « problèmes » de Romane Bonnier. Il l’accuse d’être jalouse et d’avoir un trouble d’identité dissociatif.

« Mon système nerveux central m’a appris de te craindre et à t’haïr », lui dit-il.

Pendant des jours, Pelletier la supplie dans des messages extrêmement longs : il veut la revoir une dernière fois pour clore leur relation.

Romane Bonnier n’en peut plus.

« Je me sens emprisonnée. J’ai l’impression que ça ne finira jamais. Je suis tellement en peine et en souffrance, tu n’as pas idée. C’est officiellement fini. Tu as ruiné tes chances », lui écrit Romane.

« Ne me texte plus jamais », poursuit-elle.

Mais rien n’arrête François Pelletier. « Tu es l’amour de la vie », répète-t-il. S’il ne la revoit pas, il va devenir fou, lui dit-il.

« J’ai. Besoin. De temps. Tu prétends que c’est de l’amour, mais ce n’est pas de l’amour », répond Romane, excédée.

« Je te demande une dernière fois de me laisser tranquille, sinon je vais te bloquer », écrit-elle, le 18 septembre.

À cela, François Pelletier lui répond avec une dizaine de questions.

« Je te prie de respecter mon silence. Ton constant harcèlement me donne beaucoup d’anxiété et je ne suis juste pas prête à parler. S’il te plaît, laisse-moi tranquille et ne viens plus jamais à mon travail », conclut-elle.

Un mois plus tard, Romane Bonnier était morte.

MMarianna Ferraro et MLouis Bouthillier représentent le ministère public. L’accusé se défend seul.

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